Je suis la fille d'Anïouk, bêta de la Fleur de Lune, et de Finwel, un solitaire. Je n'ai jamais connu mon père mais j'ai aimé ma mère de tout mon être jusqu'à ce que l'Apocalypse ne me l'enlève...

Je n’ai vécu que quelques mois avant le début de la Fin du monde. Ce furent sans doute les mois les plus heureux de toute mon existence malgré la tension qui régnait déjà. J’avais cette chance inouïe de vivre dans l’insouciance de la jeunesse, entourée d’amour. Ma mère était si fière de chacun des obstacles que je pouvais franchir et son regard bienveillant m’encourageait à chacun de mes pas.

Nous étions peu de louveteaux dans ma meute et la fusion qui eut bientôt lieu avec celle de la Poussière d’Argent n’augmenta pas beaucoup le nombre de mes camarades de jeu potentiels. Je réussis toutefois à me faire un ami, le fils du bêta de la Poussière d’Argent. C’était un louveteau au pelage gris et au regard doré. Si lui était aventurier et même imprudent, j’étais calme et réfléchie. Mais j’arrivai à l’apaiser comme ma mère pouvait le faire. Parfois, il lui arrivait d’avoir un sommeil agité et je quittais alors le creux douillet du ventre de ma mère pour m’allonger tout contre lui. Je le faisais aussi de temps à autres avec les blessés de l’infirmerie. Bien sûr, j’avais l’interdiction formelle de m’approcher de ceux qui étaient malades. J’aurai voulu pouvoir tous les aider, mais il arrivait que mon don magique ne soit pas assez puissant pour apaiser tous les maux.

Au dehors de la meute, les temps étaient sombres et j’en prenais conscience peu à peu. La guerre qui finit par éclater menaça tout ce que je connaissais, mon monde à moi, loin des soucis des Deltas, Gammas ou même Alphas. Et pourtant la dure réalité me rattrapa lorsqu’un soir, ma mère me demanda de l’accompagner un peu plus loin pour parler. Mon cœur s’est serré, comme s’il savait déjà que ce serait la dernière fois que je pourrais lui parler. Ce fut la plus longue conversation que j’eus avec la belle louve blanche au regard d’améthyste. Elle m’expliqua que ce qui allait venir serait terrible mais que nous survivrions à ces épreuves. Je sentis dans sa voix que quelque chose n’allait pas pourtant. J’ignorais encore que ce « nous », c’était moi…


Après la fin de tout, il a fallu se reconstruire comme les Esprits avaient reconstruit le monde dans lequel nous avions toujours vécu. Ce fut loin d'être facile. Tous avaient perdu quelqu'un de cher à son coeur quand ce n'était pas plusieurs. Mais peu à peu, les meutes se sont relevées. Je me suis relevée. Et j'ai décidé de consacrer ma vie aux autres.

Bien sûr, il y a encore eu des hauts et des bas mais nous avions tellement touché le fond que rien ne pouvait être pire. Altan, mon ami de toujours, m'a épaulée et à nous deux, nous avons fait face à chaque obstacle qui se présentait devant nous. Petit à petit, alors que la vie reprenait un cours plus normal, les tensions entre les meutes toujours présentes, il a retrouvé sa joie de vivre et son énervement quasiment permanent et moi mon calme et ma patience.

Aujourd'hui, je suis la chamane de la Fleur de Nuit. Je sais qu'il y a d'autres épreuves qui nous attendent et je ferai de mon mieux pour rendre ma mère fière de moi. On ne sait pas de quoi demain sera fait...