Le territoire de la meute était calme et presque silencieux à cette heure matinale. Seul le murmure des hautes herbes et des fleurs, se frottant les unes contres les autres, rompait la sérénité des lieux. Une ombre furtive rodait non loin de là, tapis aux pieds des derniers arbres qui bordaient les berges de la cascade de cristal. Cette ombre était celle d’Asteria, une jeune louve de la meute de La Fleur de Nuit, en quête de quelques gorgées d’eau fraîche.

Le soleil qui venait à peine de se lever nappait le paysage d'un halo de lumière doré. Le vent quant à lui faisait onduler paisiblement les herbes au gré de ses envies et transportait jusqu'aux narines de la femelle le parfum exquis des premières matinées de printemps. A cette heure à mi-chemin entre crépuscule et aube, le faible filet d’eau cristallin qui s’écoulait lentement contre les parois rocheuses  avait quelque chose de mystérieux.

Un faible sourire s'étira sur les lèvres d’Asteria, et après avoir jeté un dernier coup d’œil aux alentours pour s'assurer qu'elle était bien seule, la louve s’avança au-delà des arbres. L'herbe haute lui chatouillait les flancs et le dessous de ses pattes au fur et à mesure qu'elle s’avançait. Arrivée au pied du petit lac dans lequel l’eau de la cascade se déversait doucement avant de rejoindre la vallée, Asteria se pencha et se mit à laper quelques gorgées d’eau fraîche.

Une fois sa soif étanche, la jeune adulte se redressa et tout en se léchant les babines pour en retirer les dernières gouttes d’eau qui s’y étaient accrochées, observa avec attention le rivage. A ses pattes, se dessinaient les empruntes de pas d’animaux en tout genres, venus eux aussi s’abreuver à la cascade.

Une série d’empruntes fraîches attira tout particulièrement l’attention de la jeune chasseresse. Ces dernières appartenaient à en juger par leur forme et leur taille à un sanglier de belle taille. Asteria sentit l’excitation de la chasse s’emparer d’elle petit à petit. Elle ne pouvait prétendre abattre un monstre de cette taille seule. En revanche, la meute elle n’en ferait qu’une bouchée une fois qu’elle aurait été avertie de la présence sur son territoire de cette magnifique proie.

La piste était fraîche et se dirigeait vers le nord du territoire. Un petit sourire d’envie se dessina sûr les lèvres de la jeune louve. Oui, avec un peu de chance, la meute festoierait ce soir. Soudain, un bruissement de feuilles fit sortir Asteria de sa rêverie, immédiatement suivi par l'appel de son propre nom.

La druidesse se retourna vivement. Les oreilles dressées et les yeux écarquillés. Nul doute que la femelle était surprise et curieuse de découvrir qui venait de l'interpeller.

- « Qui va là? » Lança Asteria d'une voix claire et un peu hésitante.

A la vue de son frère de meute au pelage noir comme ébène, Asteria inclina légèrement la tête en signe de salue. Le nouveau venu avait intégré la meute il y a peu et la jeune louve n'avait pas encore eu l'occasion de faire pleinement sa connaissance. Après un court délai de réflexion, Asteria de dirigea dans sa direction en trottinant gaiement, un sourire taquin dessiné sur le visage.

- « Tu es bien matinal Ahmadeuss! Tes habitudes de loup solitaire te mènent la vie dure à ce que je vois. Mais après tout, l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt comme on dit. Qu’est ce qui t’amène dans les environs ? Aurais-tu besoin de mes services ? ».

A ces mots, la louve contourna Ahmadeuss, examinant son flan, ses pattes et son échine à la recherche d’une quelconque plaie ou signe de maladie. En tant que guérisseuse de la meute, il n’était pas rare que certains des membres de son clan viennent la consulter dans l’espoir qu’Asteria puisse atténuer leur maux. Mais de toute évidence, le loup au pelage ébène qui se dressait devant elle se portait comme un charme.

Après avoir décrit un cercle parfait autour de Ahmadeuss, Asteria vient se remplacer face à son frère de meute. Ce dernier était resté silencieux, visiblement gêné d'être l'objet de tant d'attention. A l'évidence, sa présence ici n'avait rien à voir avec une quelconque blessure. La jeune guérisseuse sourit timidement et recula de quelques pas. Peut-être avait elle était trop familière ou intrusive avec le nouveau venu. Elle qui avait toujours vécu en meute, elle ne pouvait qu'imaginer à quel point intégrer un clan après avoir été solitaire devrait être difficile.

Le chasseur rompu alors le silence. D'après ses dires, il la cherchait et voulait lui proposer son aide pour une partie de chasse. Voila qui tombait à point nommé!

- "J'étais venue boire un peu d'eau et relever les traces de gibier pour la meute, comme chaque matin. Tout comme toi, les traces de ce sanglier ne m'ont pas échappées. L'animal doit être de belle carrure à en juger par la profondeur et la taille de ses empruntes. Je pensais aller prévenir les chasseurs. Je ne suis pas de taille à affronter seule une telle proie. Mais maintenant que tu es là, nous pouvons tenter de le débusquer.

Après quoi, les deux chasseurs prirent la direction du nord. Courant dans un premier temps, afin de gagner du terrain sur leur proie, puis en adoptant une allure plus modérée une fois arrivée au cœur de la forêt.

Il fallait à présent reconnaître les lieux et être vigilants. Les défenses d'un sanglier adulte pouvaient aisément transpercer un loup. En tant que guérisseuse Asteria était bien placée pour savoir que ce genre de blessure était souvent mortelle.

Arrivés aux abords d'une petite clairière, les deux loups s'arrêtent. La piste qu'ils suivaient jusqu'à présent s'évanouissait sur la berge d'une petite rivière. Asteria 'approcha prudemment de cours d'eau, afin de flairer les dernières empruntes.

- Il est seul, cela ne fait plus aucun doute ... Il a du sentir notre présence et suivre la rivière pour tenter de nous semer. Ou alors peut-être est-il encore dans les environs ... qu'en penses-tu Ahma ...

Asteria ne termina pas sa phrase. Au moment où la louve s'était retournée vers son compagnon de chasse pour débattre avec lui de la suite des opérations, les fourrés derrière Ahmadeuss s'étaient mis à frémir. Quelque chose ou quelqu'un s’apprêtait à en surgir. Un sentiment étrange serra les entrailles de la louve. Celui d'être aujourd'hui la proie et non le chasseur ...